Dans un contexte de raréfaction des ressources en eau, l’installation de toilettes sèches dans les espaces publics semble être une solution écologique pertinente. Contrairement aux toilettes classiques, ces installations ne consomment pas d’eau et sont pensées et conçues pour traiter localement les déchets humains. Face aux enjeux écologiques actuels, la gestion durable des infrastructures sanitaires publiques est cruciale. Dès lors, pourquoi ne pas envisager les toilettes sèches à séparation comme une réponse adaptée aux enjeux environnementaux, mais aussi économiques et sanitaires ? Voici quelques arguments en faveur du développement des toilettes sèches dans les espaces publics.
Qu’entend-on par toilettes sèches ?
Avant toute chose, il semble indispensable de différencier les toilettes sèches « classiques » des toilettes sèches à séparation. Les premières comme les secondes ne nécessitent pas d’eau, toutefois leur fonctionnement diffère à bien des égards.
Les toilettes sèches reposent sur l’utilisation d’un réservoir rempli de litière végétale (copeaux, sciure, paille…), qui va se mêler aux déchets humains. Ledit réservoir doit être ensuite vidangé tous les deux à trois jours, les toilettes n’étant raccordées à aucun type d’évacuation. Le mélange litière-déchets peut ensuite être composté et, a posteriori, être utilisé à des fins de fertilisation. Cependant, le principal inconvénient des toilettes sèches classiques est la présence d’odeurs, liées à la stagnation des urines dans le réservoir ainsi que l’entretien régulier et contraignant nécessitant une intervention manuelle fréquente (vidange…).
S’agissant des toilettes sèches à séparation, elles reposent sur la séparation des différents déchets – solides et liquides. Les premiers sont en effet recueillis et décomposés dans une zone de compostage hermétique, tandis que les seconds sont traités séparément – évacuation vers les eaux usées via raccordement au réseau d’assainissement, via infiltration ou stockage dans une cuve. L’avantage des toilettes à séparation est qu’elles ne génèrent pas d’odeurs désagréables – pas de stagnation des urines, espace bien ventilé.
Quels sont les atouts écologiques des toilettes sèches à séparation ?
Économie en eau
Le principal atout des toilettes sèches est qu’elles ne requièrent pas d’eau pour fonctionner, étant dénuées de chasse d’eau. Elles permettent donc une économie substantielle en eau potable – une chasse consomme en moyenne 9 litres à chaque utilisation.
C’est d’autant plus vrai s’agissant des toilettes publiques installées sur des sites de grande fréquentation, sur les zones touristiques ou dans les régions souffrant de sécheresse (sud de France, haute montagne).
Les dernières études environnementales reconnaissent les impacts délétères du changement climatique. À cet égard, la France est en voie d’aridification au sud et de « méditerranéisation » dans sa partie médiane, avec des déficits hydriques de plus en plus notables. Il conviendrait donc d’adopter une gestion de l’eau plus responsable, notamment via l’installation de toilettes sèches publiques.
Économie en électricité et empreinte carbone faible
Les toilettes sèches à séparation sont loin d’être énergivores, puisque conçues comme des systèmes passifs – séparation des déchets mécanique, traction des solides par pédale et tapis… Elles permettent donc des économies substantielles en électricité.
En outre, grâce au lombricompostage, les déchets solides n’encombrent pas le réseau d’assainissement. Or, l’on sait que le traitement des déchets humains, notamment via les stations d’épuration, requiert une consommation significative d’énergie. L’implantation massive de toilettes sèches écologiques dans les espaces publics pourrait donc considérablement soulager les systèmes d’assainissement et, conséquemment, contribuer à réduire l’empreinte carbone et la consommation énergétique des municipalités.
Valorisation des déchets
Autre avantage notable des toilettes sèches à séparation : elles permettent de valoriser les déchets humains sous forme de compost. En effet, les matières fécales, une fois séparées des urines, sont acheminées vers un local de compostage hermétique. Elles sont ensuite transformées en humus par un microbiome composés de vers, de bactéries, de champignons et d’insectes.
Le compost ainsi obtenu peut alors être utilisé comme fertilisant naturel, se substituant parfaitement aux engrais chimiques néfastes aux sols.
Réduction des infrastructures et pollutions associées
Les toilettes sèches à séparation n’exigent pas d’être reliées à un système d’assainissement centralisé, comme les égouts ou les fosses septiques. La nécessité de construire et d’entretenir des infrastructures coûteuses et potentiellement polluantes est donc drastiquement réduite.
C’est d’autant plus vrai dans les régions rurales et montagneuses, mal équipées en systèmes d’assainissement modernes. Installer des toilettes sèches publiques est donc un investissement rentable pour les communes, en plus d’être résolument écologiques.
Absence de fuites
Bien souvent, les toilettes publiques sont raccordées à des réseaux de canalisation vieillissants ou à des fosses septiques mal entretenues. Ainsi, les déchets humains peuvent fuiter et se retrouver au contact direct des sols et nappes phréatiques. C’est particulièrement le cas dans les zones de grande fréquentation, où les toilettes publiques sont utilisées fréquemment et génèrent une quantité de déchets considérable, ou dans les régions régulièrement touchées par des fortes pluies (risque de débordement des réseaux d’assainissement, étanchéité des stations d’épuration altérée).
Les conséquences environnementales de ces fuites peuvent être considérables : perturbation des cycles biogéochimiques, eutrophisation des milieux aquatiques, contamination des eaux souterraines, détérioration des écosystèmes, pollution des sols.
Le recours aux toilettes sèches à séparation permet d’isoler les déchets solides, qui restent en chambre de lombricompostage jusqu’à désintégration complète et transformation en humus.
Nos toilettes ne se bouchent donc pas et permettent aux communes d’effectuer des économies considérables.
Quid du bilan écologique des toilettes à eau ?
À présent, évoquons brièvement le fonctionnement des toilettes à eau. Aujourd’hui la norme, elles sont toutefois bien moins écologiques que les toilettes sèches à lombricompostage.
- Comme leur nom l’indique, les toilettes classiques exigent l’utilisation massive d’eau potable – entre 11 000 et 15 000 litres par an et par personne.
- L’ensemble des déchets est directement évacué dans les eaux grises, mêlé aux eaux pluviales, aux égouts, et à d’autres déchets divers, notamment industriels.
- Ces déchets subissent ensuite de multiples traitements – dégrillage des solides, dessablage, déshuilage, ajout de substances chimiques.
- Le plus gros des solides est enfoui.
- Les boues sont ensuite récupérées puis subissent d’autres traitements, notamment des désinfections, une déphosphatation et de multiples filtrages.
- Une ultime clarification permet la séparation de l’eau partiellement traitée, relâchée dans les eaux libres, et des boues résiduelles, compostées ou incinérées.
Il va donc sans dire que les toilettes à eau affichent un bilan écologique désastreux :
- l’enfouissement d’une grande partie des déchets solides, sans compostage, souille les sols et les nappes phréatiques ;
- la quantité d’eau employée dans le processus est considérable ;
- les différents produits chimiques utilisés (sel d’aluminium ou de fer, polymères, chlore, zinc, chaux, chlorure de fer…) sont, à forte dose, nocifs pour l’environnement ;
- l’eau rejetée dans la nature n’est que partiellement traitée et peu, à long terme, causer des méfaits sur l’environnement ;
- l’incinération des boues résiduelles induit l’utilisation d’énergie et l’émission de gaz à effet de serre.
Les municipalités, qu’elles soient très touristiques, vastement peuplées, situées dans des zones soumises à risque d’inondation ou d’aridification ont donc tout intérêt à modifier leur parc de sanitaires publics et d’opter pour des toilettes sèches.